3e ATELIER LACAN en RUSSIE
Le 3e Atelier Lacan en Russie se tiendra les 28, 29 et 30 septembre 2012, à Moscou, à la même Bibliothèque des Littératures étrangères qui nous a accueilli pour les deux précédents Ateliers.
Le thème de cette année, proposé par J.-A. Miller est « Introduction à la clinique des psychoses ». Il prépare à la très prochaine parution en russe de l’ouvrage de Jacques Lacan Le Séminaire, Livre III, Les psychoses (traduction A. Chernoglazov), et s’appuie, comme il est désormais de règle pour les Ateliers Lacan en Russie, sur les cas cliniques qui seront présentés et discutés lors des deux premières journées de l’Atelier, la matinée du 30 étant consacrée à une conversation avec Dominique Holvoet, président de la NLS, sur La psychanalyse d’orientation lacanienne en Russie : actualité et perspectives.
ARGUMENT :
Il y a une clinique psychanalytique lacanienne des psychoses. C’est une clinique qui est tout spécialement attentive aux phénomènes élémentaires, donc aux détails, qui viennent s’interposer dans le cours des pensées d’un sujet, dans son rapport au corps propre, dans son lien aux autres, dans le fil de son discours, dans son sentiment de l’existence, dans son parcours de vie – phénomènes qui troublent le sujet, le laissent perplexe ou l’angoissent, phénomènes qui lui sont étrangers et pourtant l’intéressent au point d’envahir dans certains cas toute sa vie psychique et sociale.
Les praticiens, qui sont conduits à prendre soin de patients psychotiques, enfants ou adultes, connaissent les constructions quelquefois spectaculaires que les sujets édifient en réponse à cet envahissement : formes délirantes, passages à l’acte « immotivés », créations artistiques étranges.
Jacques Lacan, jeune psychiatre, a déjà fait le chemin inverse, dans sa thèse sur « La psychose paranoïaque dans ces rapports avec la personnalité », qui mène de l’observation des manifestations les plus bruyantes du délire au repérage avec le sujet du moment où se manifeste, pour lui, une rupture, ce que Lacan désignera plus tard comme le moment de « déclenchement de la psychose ». Et, déjà, Lacan par cet abord préparait la psychanalyse à faire une place « d’analysant à part entière » au sujet psychotique, en l’invitant à une démarche de savoir face à ce qui lui arrive de si singulier.
De ce fait, si l’on peut dire qu’il y a une clinique lacanienne des psychoses, celle qui met en valeur non pas le déficit des fonctions, mais les créations de la structure et la position du sujet à leur égard, il faut également indiquer qu’il y a plusieurs théories de la psychose chez Lacan, au fur et à mesure de l’évolution de son enseignement, car la psychose et le sujet psychotique y ont leur place à tous les moments cruciaux :
– une théorie du noyau imaginaire de la paranoïa, depuis le cas de « paranoïa d’auto-punition » de sa thèse, jusqu’à son grand article de 1946 « Propos sur la causalité psychique », où il désigne « la causalité de la folie dans une insondable décision de l’être » (Écrits, p. 177) ;
– une théorie, la plus connue, du mécanisme de la forclusion, qui déchire la trame symbolique du sujet, fondant une clinique de la psychose en discontinuité d’avec la névrose, répondant au mécanisme freudien du refoulement, théorie qu’il développe dans son Séminaire, Livre III, Les psychoses (1955-56) et dans son article « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose » (1957), tous les deux centrés sur une lecture ligne à ligne du cas freudien du président Schreber (« Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa », 1911);
– une théorie qui se repère sur le rapport du sujet à l’objet et à la jouissance, où se distinguent schizophrénie – retour de la jouissance sur le corps -, et paranoïa – identification de la jouissance dans le lieu de l’Autre ; cet abord a été mis en valeur par Jacques-Alain Miller dans son article « Clinique ironique », paru en 1993 dans la revue La Cause freudienne n°23 ;
– une théorie qui prend appui sur une lecture par Lacan de James Joyce ( Le Séminaire, Livre XXIII, Le sinthome) pour situer le processus psychotique dans le rapport du sujet avec la langue et avec la lettre, le psychotique y trouvant d’autres ressources que le névrosé, celui-ci n’y ayant aucun privilège : « tout le monde délire » !
Les psychanalystes enseignants présenteront le thème et les cas présentés par les participants s’articuleront sur cette clinique du détail attentive à ce qui s’élabore pour un sujet psychotique dans sa rencontre avec un psychanalyste ou dans son accueil dans des lieux de soins orientés par la psychanalyse.
Bibliographie
– Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre III, Les psychoses
– Sigmund Freud, Le président Schreber, 1911
– Jacques-Alain Miller, « Clinique ironique», La Cause freudienne, n° 23, Paris, Navarin éditeur.