(FR) "Отчет" (compte-rendu) за Семинара "Свръзвания"
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LES NOUAGES DE LA NLS (3)
Lire Jacques-Alain Miller : Comment finissent les analyses
Paradoxes de la passe
« Faire École » à la Société Bulgare de Psychanalyse Lacanienne (SBPL)
Le 1 octobre 2022 à Sofia
La place de l’imprévisible dans la cure et dans la communauté analytique
Sous la présidence de Daniel ROY, président de la NLS
Pour le premier Séminaire ’’Nouages’’ dans la Société SBPL, Daniel Roy nous a invité à une conversation à partir du texte ’’Sur le mutualisme’’ du dernier ouvrage de Jacques-Alain Miller ’’Comment finissent les analyses – Paradoxes de la passe’’. Les membres du Bureau de la SBPL ont présenté leurs réflexions sous forme de courts exposés, chacun ayant extrait un point qui a retenu son attention.
Introduction de Daniel Roy
Jacques-Alain Miller énonce en 2000, à Rio de Janeiro, devant les collègues de l’EBP, que l’ECF est repartie de ce dégagement de la passe effectué par Lacan en prenant au sérieux la question de Freud concernant la fin d’une analyse et la fin logique de l’analyse. Il résume cela par un énoncé qui a une portée à la fois pratique, théorique et politique : « la passe fait partie intégrante de la pratique de la psychanalyse » dans la mesure où « selon Lacan une cure analytique est équivalente à une démonstration », à savoir à « un processus logique exigeant une conclusion ».
La conséquence pour la pratique de la psychanalyse, est que la dimension de la passe est présente non pas à l’horizon d’une cure, en un point d’idéal, où se trouverait la réponse à la butée de la fin, mais est toujours déjà là, dans la mesure où chaque analysante, chaque analysant, bute sur deux réels : que le sexuel ne réalise aucune conjonction des corps et des jouissances et que la présence des femmes introduit dans le social et dans la subjectivité un principe d’illimité, qui angoisse.
Ce que JAM appelle « transfert de technologie » comporte ainsi un double aspect : d’une part « politique », transfert de la passe depuis l’ECF vers les autres Écoles de l’AMP ; et d’autre part « pratique », transfert de la passe depuis sa place dans la conclusion de la cure vers « la séance analytique » en tant que telle. Et il indique que « savoir comment, de la séance analytique, surgit quelque chose comme l’assemblée d’une École », « c’est ce qu’il y a de plus intéressant à penser » (p.285, puis p.287)
JAM donne des indications précises pour nous permettre de « penser » cette résonance entre l’École et la séance analytique. J’en vois trois :
- Concernant le savoir : « il s’agit moins d’un savoir acquis qui serait à divulguer, que de transmettre un non-savoir exactement localisé dans le discours universel et d’où s’origine un désir spécial » (p.288) ; cette phrase s’applique aussi bien à la cure qu’à l’École, et cela ouvre à une dimension plus large de l’interprétation ;
- Concernant l’interprétation, en effet, l’École attend des AE qu’ils soient interprètes de l’expérience de l’École, en tant qu’ils sont eux-mêmes issus de l’expérience même de l’École, qui a fait place à cet élément de non-savoir. En retour cette proposition pose « l’École comme une expérience analysable » (289) et il précise « en termes de refoulement et en termes de surprise, avec des interprétations après-coup, des acting out, des aliénations et des séparations. »
- De quoi est fait ce « point de non-savoir » dans la cure et dans la communauté, en tant qu’il est interprétable ? Il me semble que nous pouvons le définir avec les termes que JAM utilisent pour désigner ce dont le groupe analytique se défend, à savoir « ce qu’a d’inquiétant et d’imprévisible l’expérience de l’inconscient dans la cure » (289).
L’inquiétant et l’imprévisible, voilà deux termes qui consonnent avec le thème de notre prochain Congrès ! Pensons au texte de Freud sur « l’inquiétante étrangeté » (Unheimlich), qui désigne cette angoisse particulière de voir apparaître dans ce qui nous est familier un élément qui vient surprendre cette familiarité et qui fait surgir l’angoisse.
J’y entend l’indication de ne pas craindre l’inquiétant et de « préserver le lieu de l’imprévisible », aussi bien dans la cure que dans le groupe analytique.
Au fond, ce qui surgit comme inquiétant et comme imprévisible provient du même lieu, ce lieu de « non-savoir » qui troue donc le savoir, qui lui est préalable, non pas au sens de l’origine, mais au sens que c’est depuis le champ du savoir supposé que peut s’isoler le point d’impossible à savoir comme un point réel.
D’où le caractère très précis des termes utilisés par JAM pour désigner l’interprétation : « refoulement et surprises », « interprétations après-coup », « aliénations et séparations ».
Il indique par là la spécificité du discours analytique dans le discours universel. Le discours analytique en effet ne considèrent pas les signifiants qui viennent dans la parole comme de pures créations à partir de rien ou à partir du cerveau-computer, mais des éléments qui portent la marque de leur provenance, la marque d’un désir, et c’est cela que désigne le terme freudien de « refoulement » ; et nous le savons à cause de la surprise qui a lieu quand ils surgissent là où on ne les attend pas, dans les formations de l’inconscient, comme retour du refoulé. Dans ce grand mouvement interprétatif qui chemine dans une cure, et aussi dans un groupe, peuvent être isolés les signifiants-maîtres qui aliènent le sujet- ou le groupe-, condition nécessaire pour qu’ils puissent s’en séparer. Séparation qui mettra au travail les objets pulsionnels : se faire manger, se faire « chier », se faire voir, se faire entendre, sont les guises, les formes structurales de cette séparation dans une cure et dans un groupe. Ce groupe qui ne sera « analytique » qu’à prendre résolument appui sur ces objets devenus « plus-de-jouir », c’est-à-dire vidés d’une grande part de leur jouissance. Une École qui, en devenant de moins en moins « fantasmatique », se forme à fonctionner comme une École « symptomatique », ouverte aux symptômes de l’Autre et de l’Un, en tant qu’ils passent au dire.
Présentations de Bilyana Mechkounova et d’Anguélina Daskalova
Bilyana Mechkounova construit sa présentation du texte ’’Sur le mutualisme’’ en extrayant deux signifiants : imprévisible et mutualisme que J.A. Miller en reprenant Lacan met en relief (p.289). Elle part de l’idée que pour former un ensemble de psychanalystes ou de membres d’un groupe, on s’appuie sur des règles et des régulations qui limitent l’imprévisible. Alors, comment préserver la place de l’imprévisible tout en gardant l’idée du collectif ? L’accent est mis sur la place de l’idéal du groupe comme lieu d’un dire possible qui ferait interprétation. Par ailleurs, la solitude subjective renvoie au singulier, au sinthome constitutif du parlêtre, sans lien à l’Autre, hors sens. La question de B. Mechkounova est de savoir comment lier cette position subjective de solitude à la communauté face à la tentation de trouver des réponses rapides, faciles et définitives, face à la tentation du mutualisme.
Anguélina Daskalova aborde le texte ’’Sur le mutualisme’’ à travers la question soulevée par J.A. Miller ‘’de savoir ce que c’est, en définitive, une École, quand c’est une École de Lacan’’. Elle fait référence à l’‘‘Acte de fondation’’ de Lacan - un texte qui met en avant que des analystes travailleurs représentent l’assemblée de l’École: ’’Je n’ai pas besoin d’une liste nombreuse mais de travailleurs décidés’’ dit Lacan. L’analysant qui devient analyste est donc un travailleur décidé. Et cela relève d’un désir décidé. La question du désir et le moment de la passe sont articulés en reprenant un autre point de l’ouvrage ’’Comment finissent les analyses’’ - l’histoire familiale en tant que complétée par l’histoire de l’analyse (’’Portraits de famille’’, p.233). Citant J.A.Miller que ’’chacun d’entre nous peut se poser la question : Suis-je seul ou pas dans ma relation à la cause analytique?’ et reprenant Lacan ’’qu’il n’y a pas de sujet collectif de l’énonciation’’ Anguélina Daskalova pose la question : Comment se positionner dans la garantie et dans ce qui soutient une invention qui fait acte, un surgissement, un imprévu et qui relève non pas du collectif mais de ce sujet de l’énonciation, de l’un par un ?
Discussion
Daniel Roy souligne que deux signifiants qui ont été mis en valeur : d’une part le signifiant de « l'idéal », d’autre part le signifiant de « travailleur décidé ».
B. Méchkounova énonce qu’un groupe, un collectif, une assemblée se construit autour d’un idéal. Grâce à l’accent mis par Lacan sur le trait unaire, il devient pensable que dans le groupe analytique le lieu de l'idéal persiste mais en même temps est vide. Il est très important de pouvoir vider la fascination de l'idéal sans abandonner la fonction de l'idéal : voilà vraiment la place des « travailleurs décidés ». Le désir de l’analyste commence ici à se dessiner.
Dans le texte d’Anguélina, Daniel Roy reprend une citation de J-A Miller (“l’histoire familiale est complétée par l’histoire de l’analyse”) pour repréciser que d’une part il y a l’histoire familiale telle qu’elle est entendue dans la cure et d’autre part il y a l’histoire de la cure elle-même telle qu’elle est racontée par l’analysant lors de la passe.
Présentation de Vessela Banova
Vessela Banova reprend quelques extraits du texte ’’Sur le mutualisme’’ en mettant l’accent sur le fait que l’École n’est pas l'Université. Il ne s’agit pas de transmettre un savoir, mais plutôt d’un non-savoir. Avoir l’École aujourd’hui représente une réponse à la question de savoir comment un groupe peut fonctionner comme un ensemble de sujets, pris un par un, uniques en soi, pour former Un, et ceci suite à la rencontre avec le Champ freudien qui a pu traverser toutes les barrières de la langue et de la culture.
Discussion
Daniel Roy est interpellé par les propos de Vessela Banova au sujet de l’expérience du Champ freudien en Bulgarie appelée à l’époque ’’l’invention de la méthode bulgare dans le Champ freudien’’. Cette ’’méthode’’ signifiait que la seule langue commune était la langue de la surprise. Daniel Roy rappelle l’expérience lors des discussions cliniques sur les situations des enfants dans les orphelinats. Des enfant qui ont eu à faire à un réel « mis à nu », où la dimension symbolique est très abîmée, et on est alors surpris par des signifiants qui émergent et qui ne sont pas le produit de 30 ans d'expérience analytique, mais de la rencontre particulière de l'enfant en souffrance avec des intervenantes au désir décidé de les accueillir comme sujets.
Vesselin Somlev pose une question provoquée par la présentation d’Anguelina Daskalova. Une formulation l’a renvoyé vers le texte d’Alexandre Stevens sur le dernier Congrès de la NLS ’’Répétition et fixation’’. Il fait un résumé en disant que l’analyse fait découvrir quelque chose de l’ordre de l’incurable, une contingence, un sinthome. Il s’agit d’une répétition hors-sens mais la rencontre est marquée dans le texte “as if by chance”. La traduction en français “comme par hasard” n'équivaut pas entièrement au signifiant “contingence”. Comment traduire cela ?
Marina Frangiadaki fait un commentaire sur la phrase “comme par hasard” en se référant au Séminaire XI de Lacan. Elle ajoute qu’il est question d’une répétition d’ordre pulsionnelle, comme par hasard.
Daniel Roy précise que cette formulation a un caractère double dans l’ordre signifiant. D’un côté il s’agit d’une répétition, comme par hasard. La valeur est mise sur ce qui est répété et le fait même qu’il soit répété. L’autre face est celle de la contingence où l'accent est mis sur le fait que cela se produit au moment même - c’est l'actualité absolue des choses. C’est une expérience précise qui est transmissible au champ social, au collectif.
Présentations de Dessislava Ivanova et d’Evgueni Guenchev
Dessislava Ivanova reprend l’extrait sur le non-savoir que Vessela Banova avait pointé de façon très juste. La référence qui sert de repère pour Dessislava Ivanova à ce sujet est le Séminaire XVII, “L'envers de la psychanalyse” de Lacan (p.288). Elle met l’accent sur l’acte psychanalytique qui serait au sein de la question de comment Faire-École (p.299 de la même référence). La question qui est posée : Qu'est-ce qui se transmet, à condition de non-universalité, un par un, en ce que chacun est seul dans sa relation à la cause de la psychanalyse? Cette solitude subjective est commentée en référence à ’’La théorie de Turin sur le sujet de l’École’’ de J.A. Miller pour aborder la question de la conceptualisation de l’École dans le texte ’’Sur le mutualisme’’. Deux plans sont mis en relief - d’une part l'École est conçue comme une Association, c'est-à-dire elle est un sujet de droit du côté du discours du maître, et d’autre part comme une École analytique - en ce sens, elle pourrait être interprétée du côté du discours hystérique, puisque son produit est le savoir, le signifiant-maître étant le mot analytique. Dessislava Ivanova apporte un nouvel élément - l’insatisfaction dans le discours hystérique, l’incomplétude et le plus-de-jouir. Elle attire notre attention sur la proposition de J.A. Miller de penser l’École à travers le discours analytique, le quatrième discours de Lacan qui est une dérive du discours hystérique.
Evgueni Guenchev porte son intérêt sur le 3-ème paragraphe (’’Doctrine secrète’’) du texte ’’Sur le mutualisme’’. Il part de la formulation que l’École ’’a, fondamentalement, une expérience qui est de type analytique et qui a à être interprétée’’. Le cours de J.A. Miller et Eric Laurent ’’L’Autre qui n’existe pas et ses Comités d’éthique’’ (le cours du 29 janvier 1997 avec l’invité Bernardino Horne) lui sert de référence. Deux ponts sont mis en relief par J.A. Miller et repris par Evgueni Guenchev au sujet de ’’l’effort logique du témoignage’’ de Bernardino Horne - d’une part la passation de la position d’analysant à celle d’analyste à travers le schéma du discours analytique, et d’autre part la tentative de Horne d’universaliser son expérience personnelle. L’accent est mis sur les trois moments de la chute de l'objet que Horne essaie de distinguer, qui complètent le schéma du discours analytique de Lacan. Tout le questionnement d’Evgueni Guenchev est orienté par la réflexion sur la théorie des nœuds, la traversée du fantasme mais aussi sur la thématique du réveil. De là est formulée la question comment comprendre ce que J.A. Miller avance - ’’Ce que dit Freud et aussi Lacan avec la passe, c’est que le nœud de la structure RSI/symptôme, issue de la rencontre avec das Ding, la passe peut en faire un nœud différent.’’
Discussion
Daniel Roy prenant appui sur les présentations de Dessislava Ivanova et Evgueni Guenchev mentionne une fois de plus l’importance d’un éclairage des signifiants.
Dans l’exposé de Dessislava Ivanova le signifiant insatisfaction est le moteur dans la mise en action de l’inconscient ce qui rend possible le discours analytique et l’expérience analysable. Il est question de l’insatisfaction qui est au cœur du fantasme du sujet hystérique, le début de l’analyse en est l’exemple.
Daniel Roy fait remarquer qu’Evgueni Guenchev, partant d’une lecture d’éléments de passe, introduit un autre élément - la chute de l’objet dans les registres RSI. Il parle du rapport du sujet à l’objet de désir. Ce qui compte pour ce dernier, ce n’est pas l’objet mais la jouissance qui est corrélée à cet objet. Lorsque cette dimension apparait dans la cure, il y a une chute symbolique de l’objet.
Au fond ces deux éléments des deux exposées, la chute et l’insatisfaction, font apparaitre la dimension du réel de l’objet, que désigne parfaitement la Chose (das Ding).
Marina Frangiadaki fait référence aux résidus symptomatiques qu’elle distingue des résidus fantasmatiques. Prenant appui sur la question du féminin à la fin de l'analyse - elle apporte une référence à Lacan (Séminaire XX,) ou il dit dit que faire face au féminin est quelque chose qui suppose du courage. Il s’agit du courage face à l'imprévisible.
En conclusion Daniel Roy reprend les paroles de Marina Frangiadaki et le signifiant courage. Il ne s’agit pas d’un courage comme point idéal, mais de quelque chose qui est possible à travers la supposition du savoir et l'expérience du transfert.
Compte-rendu réalisé par Petya Dimitrova, rédigé par Anguélina Daskalova et relu par Daniel Roy